Cabiria
Action de santé communautaire avec les personnes prostituées à Lyon.

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2003-2006 : trois ans de répression au nom du racolage

En adoptant la loi de sécurité intérieure le 18 mars 2003, et notamment son article 50 sur le racolage, le gouvernement prétendait lutter contre le trafic des êtres humains en donnant aux services de police un outil d’investigation supplémentaire.

Si l’on comprend bien, la loi réprime les « auteurs » du trafic des êtres humains et prévoit d’en protéger les « victimes ».

Trois ans plus tard, le bilan est édifiant. Aucune inculpation pour trafic d’êtres humains n’a été prononcée en France. Seules quelques APS ont été délivrées aux personnes ayant accepté de collaborer avec les autorités.

En revanche, les femmes prostituées migrantes, que la loi désigne comme victimes, sont aujourd’hui encore la cible d’un véritable acharnement de la police comme de la justice. Refus d’intervenir lors des agressions dans la rue au motif qu’elles sont des « délinquantes » ; violences, humiliation et insultes de la part des services de police ; non respect des droits des personnes à l’intérieur des commissariats de police ; abus sexuels de la part des policiers ; caractérisation fantasmatique des faits de racolage sur les procès verbaux ; etc.

De plus, en guise de protection, elles ont alors le privilège d’être placées en garde à vue. Certaines sont par la suite poursuivies, jugées et condamnées pour racolage. Rappelons qu’elles encourent alors une peine de deux mois de prison et 3 750 euros d’amende. Elles peuvent également être reconduites dans leur pays si elles n’ont plus de papiers. Dans cette logique, on peut s’étonner que ce soit les « victimes » qui sont pourchassées et sanctionnées, tandis que les « auteurs », à la tête d’une « nébuleuse de réseaux criminels transnationaux » restent introuvables…

Pour avoir quelques ordres de grandeurs, citons que depuis le 18 mars 2003, plus de 400 interpellations de personnes prostituées ont eu lieu chaque année pour « racolage » sur la seule agglomération lyonnaise. Les chiffres officiels, eux, font apparaître 224 procès verbaux de racolage en 2005. L’écart entre les chiffres signifie-t-il que des personnes sont parfois arrêtées et retenues sans qu’il n’y ait de traces nulle part ?

Par ailleurs, au delà de devoir supporter les persécutions directes liées à la loi sur le racolage et leur conséquences ; au delà de devoir accepter de se faire dicter dans quelles conditions elles sont autorisées à accéder à l’espace public (attitude, vêtements, horaire, etc.) par les services de police, ces derniers déploient des trésors d’inventivité pour pourchasser davantage les personnes prostituées.

Récemment, l’un de ces équipages plein de zèle a ainsi verbalisé une personne prostituée et son client, alors qu’ils étaient dans une voiture, stationnée dans une rue. Comme le montre la reproduction du PV en question (photo ci-dessous), le motif invoqué est le défaut de ceinture de sécurité. Avec de telles interventions de police, on peut dormir sur nos deux oreilles : l’ordre public est bien gardé et la délinquance routière va s’effondrer !

Dans le même registre, saluons ici le discernement prodigieux de ce commissariat lyonnais qui a cru bon de convoquer une personne prostituée condamnée pour racolage pour qu’elle se soumette à un test ADN (reproduction ci-dessous). Là encore, la volonté des autorités de protéger les personnes prostituées en les soumettant au fichage ADN saute aux yeux !