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Revue de presse
21 mars 2011 - Lyon Capitale
Par Fanny Badoil , Gaëlle Grès
Les Assises de la prostitution étaient organisées à Lyon vendredi 18 mars pour la cinquième année consécutive. Les travailleurs et travailleuses du sexe se réunissaient à cette occasion pour évoquer les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. Récit.
Être écouté et entendu. C’est la principale revendication qui est ressortie de la 5e édition des Assises de la Prostitution vendredi 18 mars à la maison des associations de Lyon (4e). "Les assises ne sont pas seulement un lieu pour faire le bilan de la loi de 2003, sur le racolage passif, mais une plateforme de revendication", a précisé en effet Sarah-Marie Maffesoli, juriste pour le collectif Droit et Prostitution ainsi que pour le STRASS (Syndicat du travail sexuel). "Pourtant, depuis la création des Assises, la situation est de pire en pire", a-t-elle résumé.
"J’aimerai avoir la parole pour une fois !"
Trois ans après les arrêtés municipaux pris par la Ville de Lyon, pour empêcher le stationnement des camionnettes de prostituées à Perrache et Gerland, les conditions de travail des travailleuses du sexe continuent de se dégrader. Violences, agressions, stigmatisation pour l’accès au logement, dégradation de l’accès au soin, etc. Aucune amélioration n’a été constatée et les principales intéressées désespèrent de se faire entendre. "Les politiques prennent des décisions sans nous demander notre avis. J’aimerais avoir la parole pour une fois, qu’on nous écoute, on a des choses à dire", s’indigne Karen, prostituée à Gerland. Pour tenter d’expliquer la situation, elle a même envoyé un courrier aux 577 députés de l’Assemblée nationale. Seulement deux lui ont répondu.
Pour combattre cette situation, les acteurs des Assises dont Cabiria, l’association bien connue à Lyon de santé communautaire qui vient en aide aux prostituées, le STRASS et le collectif Droit et Prostitution, tous et toutes ont souligné l’importance d’un changement de loi sur la prostitution, ainsi que l’élaboration d’actions pour améliorer les conditions d’exercice des travailleuses du sexe. Parmi les solutions évoquées : sensibiliser les clients sur les maladies sexuelles, avoir à disposition un terrain identifié sur lequel travailler afin d’éviter agressions et violences. Ou encore, lutter contre le délit de "proxénétisme de soutien" qui vise ceux qui aident ou favorisent le travail d’une prostituée. "Aujourd’hui, si un ami m’emmène sur mon lieu de travail ou me prête sa camionnette, il est considéré comme proxénète de soutien !", s’insurge Karen.
Pénalisation des clients et maisons closes
"Client prostitueur" : la notion sera au centre du rapport sur la prostitution en France qui doit sortir fin mars. Dirigé par la socialiste Danielle Bousquet (1ère circonscription des Côtes-d’Armor), il évoque la possibilité de pénaliser demain les clients par une amende. Une idée dénoncée par les travailleurs du sexe et Miguel Ange Garzo, psychologue, chargé de prévention au sein de l’association Arcat. "Lutter contre les clients, c’est mettre en danger les prostituées, c’est signer un retour en arrière du combat contre le sida", estime-t-il. Thierry, travailleur du sexe depuis 8 ans est du même avis. Il craint "une baisse de salaire, un manque de temps et de sécurité".
Sur la question d’une possible réouverture des maisons closes, une idée proposée par certains députés français, les travailleurs du sexe se sont prononcés à une écrasante majorité contre vendredi 18 mars à Lyon. Cela n’aurait pour conséquence que de ’parquer tout le monde au même endroit’, et restreindrait l’autonomie des clients et des prostitués. Mais l’idée "d’un bordel auto-géré" : de petits appartements ou maisons tenues par les prostitués en copropriété séduit. "On serait tous sur le même pied d’égalité, personne ne commanderait", conclut Karen, la prostituée voit en effet trop de différences entre les conditions de travail des prostituées de luxe et des filles de la rue comme elle. "Si les politiques veulent taper sur les clients, ils doivent taper sur tout le monde. Des mecs comme Benzema ne seront jamais emmerdés. Les riches peuvent baiser tranquillement !", s’insurge-t-elle.