Cabiria
Action de santé communautaire avec les personnes prostituées à Lyon.

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Communiqué au Sénat et à l’Assemblée Nationale à propos du projet de loi SARKOSY

Concernant le chapitre VI article 19 et les insertions prévues

Nous demandons que soit considéré que par cet article, les personnes prostituées passeront du statut d'inadaptées sociales (cf les ordonnances de 1960) au statut de délinquantes. En effet, le racolage, actif et passif, sera puni d'emprisonnement et de fortes amendes
.
Ce projet de loi rentre en contradiction avec la loi française et va à l'encontre du régime choisi qui est l'abolitionnisme.
Elle aura pour conséquences :

- En matière de santé publique

Les personnes prostituées se cachent et exercent dans des conditions d'insécurité. Ces conditions limitent les possibilités de négociation de l'usage du préservatif avec les clients et empêchent de les contacter régulièrement. À terme, se posera un véritable problème de santé publique, puisque la lutte engagée depuis plus de 10 ans contre les maladies sexuellement transmissibles ne sera plus possible. Si aujourd'hui les personnes prostituées sont de véritables agents de prévention, demain, privées des outils et de l'aide des associations, invisibilisées et ravalées au rang de hors-la-loi, elles n'auront plus la possibilité d'exercer leur activité dans des conditions sanitaires correctes.

- En matière de clandestinité

Outre qu'elle met en danger des personnes humaines déjà rendues vulnérables par leurs conditions de vie (cf. les travaux de Cabiria), la clandestinité induira le développement de circuits parallèles autour de la prostitution.

La clandestinité, la prohibition et la persécution poussent à l'organisation illégale de la prostitution. L'histoire nous montre que des phénomènes sociaux considérés comme immoraux ressurgissent sous forme d'organisation maffieuse. De ce fait, nous alertons l'État sur les conséquences possibles de sa politique ;
Le déplacement du phénomène se fera vers des zones d'exercice illégales contrôlées par les délinquants ou le grand banditisme. On revient aux années 50/60.

- En matière de sécurité publique

On assiste à une montée générale de la violence. Dans les villes où des arrêtés municipaux anti-prostitution ont été pris, cette violence est à la fois due aux dérives des comportements des policiers (vol de l'argent des femmes par les forces de l'ordre, pour être remis aux clients, personnes prostituées giflées, insultées par des policiers, etc…) et à la présence croissante de délinquants aux abords de ces zones.

Par exemple, la concentration de la prostitution dans certaines zones et l'opprobre contre les personnes prostituées génèrent un sentiment d'impunité chez les personnes qui agressent les prostituées. On a assisté en 1 mois dans une ville comme Lyon à plus de vols à l'arraché, violences ou viols contre les personnes prostituées que depuis deux ans. Certains lieux deviennent des zones où s'exerce une violence incontrôlée qui pourra à terme avoir des conséquences sur l'ensemble de la cité.

À propos de la pénalisation des clients (article 19 chapitre II et III)
Ces articles permettent de pénaliser les clients de mineurs, mais également de "personnes particulièrement vulnérables".
Qui définit la vulnérabilité et de quelle vulnérabilité s'agit-il ? Les personnes prostituées majeures exerçant librement sont-elles classées comme vulnérables ?
Les études sur la pénalisation des clients en Suède montrent l'inefficacité de ce type de mesures (travaux de Von Kulick) : 7 condamnations en trois ans et mise en clandestinité des femmes.

D'autre part, les clients se déplaceront vers les autres secteurs légaux de l'industrie du sexe tels que peep-show, salons, clubs privés, téléphone rose, etc. Ces secteurs de l'industrie du sexe sont organisés de manière tout à fait légale, génèrent des profits importants en exploitant des jeunes femmes. Il s'agit bien de travail du sexe, bien que celui-ci ne soit jamais mentionné dans le contrat de travail, et les niveaux de rémunération ainsi que la précarité et le contrôle sur ces jeunes femmes sont indignes ( cf. travaux Chaker, Welzer-Lang sur l'industrie du sexe en Europe pour la Commission Européenne Programme Daphné).
La pénalisation des clients ne réduit pas la demande, mais la déplace et renforce l'exploitation des femmes (tourisme sexuel).

À propos des personnes étrangères (article 28 chapitre I)

La France dans ce chapitre est en désaccord avec les conventions et protocole qu'elle a déjà signés (cf. convention de 49 et protocole de Palerme). En ce sens, ce projet de loi ne lutte en rien contre le proxénétisme et le trafic, il ne fait que renforcer un état sécuritaire répressif pénal et moral. Il met gravement en danger les personnes qu'il s'est engagé par ailleurs à protéger. Il renvoie les femmes étrangères à la seule "protection" des réseaux mafieux, et victimes de la double peine, leur expulsion sera suivie d'une exclusion de leur famille et de leurs proches et pour plusieurs d'entre elles, de leur assassinat.


Propositions

Nous nous opposons à cette loi dans son ensemble, car elle est contraire aux droits humains fondamentaux et à l'esprit du droit français.

Nous demandons que soit définitivement faite la différence entre prostitution exercée librement et le trafic des êtres humains.

Nous demandons que la lutte contre les réseaux mafieux soit renforcée et que les femmes soient protégées et pour cela, elles doivent être régularisées.

Nous demandons que les personnes prostituées soient considérées comme exerçant librement une activité et de ce fait, soient traitées par le droit commun, donc le droit du travail, ce qui aurait pour effet de supprimer le stigmate et de les amener à la citoyenneté.

Pour Cabiria, Martine SCHUTZ SAMSON.