Accueil du site > Ressources utiles > Dossier pénalisation des clients > Le Vrai / Faux de la pénalisation des clients
Il n’existe aucun chiffre fiable sur l’étendue de la prostitution en France. Les seuls chiffres disponibles sont des estimations de la police et des associations (les rapports parlementaires se basant sur ces chiffres). Or, ces chiffres là ne reflètent pas autre chose que l’activité de ceux qui les donnent.
Aucune institution ou association ne peut honnêtement prétendre s’impliquer sur tous les terrains de la prostitution en France, et donc avoir une vue d’ensemble du phénomène. Tous les chiffres donnés au niveau national sont donc fantaisistes et ne reposent sur aucune donnée scientifique.
Le chiffre de 80% correspond à l’estimation du nombre prostituées migrantes exerçant dans la RUE (sans prendre en compte les autres lieux comme internet). Migrantes = Forcées ? C’est surtout que si l’on n’a pas de papier, on ne peut pas avoir de travail déclaré en France. Eradiquer la prostitution ne fera pas disparaître la migration : une seule solution, des papiers et des droits pour toutes !
C’est pour cela qu’il existe des lois contre les violences, la séquestration, la contrainte et le travail forcé. Le projet de loi de pénalisation des clients n’apporte rien à ce sujet. Il y aurait pourtant beaucoup à faire pour clarifier les lois contre le proxénétisme. Saviez vous que de louer un logement à une travailleuse du sexe ou tout simplement lui donner une capote, c’est déjà du proxénétisme ? Pour lutter contre le travail forcé, mobilisons le droit commun et arrêtons avec ces lois qui ne font que compliquer la vie des premières concernées.
Le volet « social » de cette loi est plus un mythe qu’une réalité. Il se résume en deux points principaux : Le premier est la possibilité pour les victimes du proxénétisme s’engageant à arrêter la prostitution d’obtenir un titre de séjour de 6 mois donnant la possibilité de travailler, durée ridiculement faible pour entrevoir la possibilité d’une réorientation. De plus, il n’est jamais précisé ce qu’il arrivera à ces personnes une fois le délai écoulé. On peut donc prévoir des expulsions pures et simples. Le second revient à une indemnité de 366euros versée durant ces 6 mois. Une somme qui ne permettra à personne de pouvoir subvenir aux besoins élémentaires. Le reste de la loi reprenant des mesures déjà existantes, bien que largement insuffisantes. Voilà donc le grand volet social visant à « sauver les victimes de la traite ».
Dans notre société, être prostituée veut souvent dire subir des violences. Des violences institutionnelles d’abord quand on est l’objet d’une répression policière permanente. La police refusant trop souvent de prendre les plaintes pour agression ou viol. Des passants, ou certains clients, constatant que les prostituées ont un statut d’indésirable dans notre société, se croient tout permis à leur endroit. Trop noire, trop femme, trop pédé ou trop trans’, les travailleuses du sexe sont stigmatisées et discriminées de bien des façons et dans bien des secteurs (santé, social, logement, etc..). La loi de pénalisation des clients n’apporte aucune réponse quand aux violences que subissent les travailleuses du sexe.
10 ans après l’instauration du délit de racolage (à travers la LSI) toutes les associations de santé sont d’accord pour dire que faire des travailleuses du sexe des délinquantes n’a fait que rendre plus difficile leur quotidien, et les conditions d’exercice de leur activité en terme de sécurité. Certaines associations abolitionnistes ont obtenu du gouvernement que l’abrogation du délit de racolage soit conditionnée à la pénalisation des clients. Or ce projet de loi précise clairement que les prostituées seront toujours des délinquantes, par le biais des arrêtés municipaux. Nous refusons donc de troquer une loi pour une autre, sachant qu’elle aura les mêmes effets désastreux sur la sécurité et la santé des premières concernées.
Pénaliser les clients, c’est encore dégrader les conditions d’exercice de la prostitution, et donc mettre les premières concernées en danger. Car les passes se dérouleront dans des lieux cachés de la police, des associations de santé et des passants, pour garantir la sécurité des clients. Isolées, les prostituées auront moins la capacité de négocier leurs pratiques et d’imposer le port du préservatif. En revanche, ne pouvant même plus compter sur la solidarité entre collègue du fait de clandestinité, elles seront plus facilement l’objet d’agression.
Plus la clandestinité de la prostitution grandira, plus les premières concernées seront en danger face à l’épidémie. Clandestinité et isolement, sont un terreau fertile qui augmente les risques de contamination. Faire une passe en se cachant c’est diminuer le temps et les moyens de permettre une négociation équitable à la fois sur les pratiques et sur le port du préservatif.
La parole des prostituées n’est jamais vraiment associée aux processus d’élaboration de loi visant à réprimer leur activité. Auditionner 4 ou 5 personnes, sans prendre en compte leurs avis dans l’élaboration du projet final, dès lors que celui ci va à l’encontre du projet de loi, ce n’est pas prendre en compte la parole des premières concernées.
D’après les nombreuses personnes que nous rencontrons, dans la rue ou sur internet, leurs principales revendications portent sur une augmentation de leur accès aux droits communs. En termes de droit du travail, d’accès au soin, d’accès au logement, d’accès à une retraite descente etc… Bref, des demandes pragmatiques, en totale opposition avec la proposition de loi de pénalisation des clients.