Rapport d’activité 2008
Ce rapport de synthèse présente la totalité des actions menées par Cabiria en 2008. Cette année a été traversée par de nombreuses difficultés sur le plan administratif, Cabiria ayant été confrontée à plusieurs tentatives de blocages dans son accès aux financements publics. Ces problèmes ont bousculé l’organisation interne de l’association, rendant chaque fois plus difficile le travail de prévention.
Un travail de prévention déjà mis à mal depuis de nombreuses années par les politiques répressives en matière d’immigration, de racolage, par les arrêtés municipaux "anti-prostitution"… Cabiria dénonce depuis 2002 les effets de la loi sur la Sécurité intérieure qui pénalise le racolage passif de 3 750 euros d’amende et de deux mois de prison : criminalisant les personnes prostituées, cette loi les pousse dans la clandestinité et dans la précarité, les contraint à exercer loin des lieux de passage, en se cachant pour éviter les contrôles de police, au détriment de leur sécurité. Nous constatons en effet une recrudescence des agressions et des violences depuis l’entrée en vigueur de la loi de Sécurité intérieure, et parmi les agresseurs règne un sentiment d’impunité certain. À terme, cette répression et ces violences pourraient affecter grandement les capacités des personnes prostituées à se protéger du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles : les personnes rencontrées nous rapportent qu’elles ont toujours davantage de demandes de relations non protégées de la part des clients, dont certains n’hésitent pas à faire pression sur elles… Reléguer les personnes prostituées dans la clandestinité et la précarité, les repousser hors des villes, les soumettre à l’arbitraire policier du quotidien et aux gardes à vue répétées aura des conséquences désastreuses sur la santé des personnes. Si l’ensemble des personnes prostituées est concerné par la violence du climat, les migrantes sont dans une situation encore plus alarmante : les lois sur l’immigration et leur application inflexible les exposent toujours plus aux gardes à vue, aux séjours en centre de rétention, aux expulsions… À ce contexte national vient s’ajouter une situation locale particulièrement difficile : la prostitution de rue est à Lyon un "problème" qui préoccupe autant les services de la préfecture que la mairie. Suite à leur expulsion du quartier de Perrache en 2007, certaines personnes se sont installées en bordure de nationale, toujours plus loin de Lyon, très isolées. D’autres personnes prostituées, repliées dans le quartier de Gerland, ont été confrontées à une levée de boucliers émanant des entreprises et des riverains. Suite à des rencontres avec les riverains, la mairie de Lyon a décidé d’un nouvel arrêté municipal en mai 2008, interdisant le stationnement des camionnettes des personnes prostituées sur une partie du 7e et du 8e arrondissement.
Le travail que nous menons en matière de santé, de prévention et d’accès aux droits est très dépendant de ce contexte politique qui a de fortes répercussions sur la santé et la sécurité des personnes prostituées rencontrées sur le terrain. Ainsi, au cours de cette année 2008, nous nous sommes déplacé-e-s toujours plus loin de Lyon, pour maintenir le contact avec les personnes. Nous avons assuré une présence sur l’ensemble du département du Rhône et jusqu’aux départements limitrophes (Ain, Loire, Isère), à travers huit itinéraires différents :
– Bourg-en-Bresse en passant par Ambérieu ;
– Bourg-en-Bresse en passant par la Dombes ;
– Pont-d’Ain – La Valbonne ;
– Anse – Jassans-Riottier – Villefranche – Les Échets ;
– Villefranche – Romanèche-Thorins ;
– Brignais – Mornant – Les Sept-Chemins ;
– Vernaison – Chasse-sur-Rhône – Vienne ;
– St-Quentin-Fallavier – La Verpillière.
Cette présence dans les campagnes complète les tournées de ville, pour lesquelles trois itinéraires ont été assurés :
– une tournée dans le centre-ville de Lyon,
– un tournée dans le quartier de Gerland,
– une tournée dans le quartier de Perrache.
Malgré cette multiplication des tournées et l’intensification de la présence sur le terrain, le nombre de contacts que nous avons établis est en diminution. Cette baisse s’explique par la dispersion des personnes (parfois, une tournée de plusieurs heures est nécessaire pour maintenir le lien avec 3 ou 4 personnes), mais aussi par l’inadéquation de nos moyens financiers qui nous a contraint-e-s à adapter le rythme de notre activité et à réduire la taille de l’équipe de terrain.
Nous exposerons en premier lieu dans ce rapport notre méthodologie d’intervention. Nous poursuivrons par le bilan de nos actions de prévention et de réduction des risques, illustré par un article sur le travail de nuit et par le point de vue d’une médiatrice culturelle. Puis les ateliers santé avec les jeunes femmes migrantes feront l’objet de deux articles différents. Nous terminerons cette présentation de nos actions en faveur de la santé des personnes prostituées par le bilan "Accès aux soins et suivis de santé globale".
Par la suite, nous procéderons à la présentation du "projet routiers", qui vise à promouvoir auprès des clients routiers des personnes prostituées les comportements préventifs, respectueux et non violents.
En dehors de ses actions liées à la prévention et à la santé, Cabiria mène un travail de lutte contre les exclusions et les discriminations et pour garantir l’accès aux droits des personnes prostituées. Quatre textes différents exposeront nos réalisations dans ce domaine, que ce soit sur le plan des droits sociaux et fondamentaux, ou sur le plan de l’accès au logement, à la formation, au marché du travail.
Pour clore la présentation de nos actions de terrain, nous proposons un bilan de l’Université solidaire, citoyenne et multiculturelle. Ce projet d’accès aux savoirs pour tous et toutes a permis en 2008 à plus de 200 personnes d’accéder gratuitement à des enseignements fondamentaux et artistiques, mais aussi à un espace pour élaborer un projet de vie.
Nous poursuivrons ce panorama des réalisations de Cabiria par le bilan des activités de recherche, d’abord avec les résultats du "projet quatre villes", un état des lieux des actions de prévention VIH avec les femmes migrantes prostituées, mené par Françoise Guillemaut et Martine Schutz Samson, puis avec le travail effectué au sein de Cabiria par Elisa Téton, stagiaire en sciences politiques, sur "l’invisibilisation de la prostitution par les politiques municipales". Nous terminerons ce rapport sur une partie plus politique, introduite par le témoignage de Karen, travailleuse du sexe lyonnaise. Suivra le journal des répressions et des violences, puis un article analysant les conséquences de la répression à Lyon. Le rapport moral 2007 de l’association, écrit par Françoise Guillemaut, alors présidente, propose un retour sur les difficultés politiques rencontrées.
Enfin, nous exposons en toute fin de volume nos objectifs pour l’année 2009.
Nous souhaitons que ce rapport d’activité 2008 vous permette de mieux appréhender le travail que l’équipe de Cabiria réalise au quotidien pour les droits et pour la santé des travailleuses du sexe et des personnes prostituées.
Florence Garcia