Claire, "travailleuse du sexe"
Gregory Fiory pour Lyon Capitale, mai 2000
Membre de Cabiria, Claire n’est pas une prostituée mais une travailleuse du sexe.
Lyon capitale : Qu’est-ce qui a motivé votre intervention au colloque de la Fondation Scelles ?
Claire : Il n’y a qu’à lire l’intitulé de ce colloque, "Prostituées, le peuple de l’abîme", c’est plutôt péjoratif non ? Les personnes qui ont organisé cette réunion ne veulent pas entendre les prostituées, parce qu’ils nous considèrent comme des aliénés, des personnes en marge de la société. Pour eux nous sommes toutes droguées et ils se servent de la médiatisation du phénomène des filles de l’Est, pour faire entendre leur position abolitionniste.
Vous reconnaissez qu’il existe bel et bien une prostitution qui relève de l’esclavage ?
Bien sûr qu’il existe des réseaux où les gens sont soumis et victimes d’esclavage. Le problème, c’est que ces gens s’en servent pour faire valoir leurs thèses abolitionnistes. Ce sont des réactionnaires qui veulent complètement prohiber la prostitution. Le problème, c’est que si l’on interdit la prostitution, des filles continueront à vendre leurs services en marge, dans des conditions encore plus dangereuses.
Que préconisez-vous pour lutter contre l’esclavage sexuel ?
Il faut démarginaliser ce métier. Pour moi le travail du sexe, ça englobe beaucoup de choses : téléphone rose, pornographie. Avec Cabiria, on milite bien sûr contre le trafic et nous tentons de nous organiser pour que le métier soit reconnu légalement, avec un statut libéral. Moi je veux être reconnu comme travailleuse du sexe. L’élaboration de ce statut devrait également être fait avec l’ensemble du métier, comme ç’a été le cas dans les autres secteurs. On pourrait nous définir comme des thérapeutes-sexologues, pour avoir un lieu de travail et ne plus être exploité.
Vous êtes pour la réouverture des maisons closes ?
Non, le modèle à la hollandaise, avec vitrine ça ne profite qu’au taulier. En fait avec ce système-là, les filles louent la cabine et sont forcées de rentabiliser en faisant le plus de clients possible. Ce sont des conditions de travail très difficiles. Moi je veux exercer mon métier de façon indépendante.
Et pour vous faire entendre, vous avez effectué ce zapping. Comment vous êtes-vous organisées ?
Tout d’abord nous avons réalisé un tract, puis un communiqué de presse et nous avons recueilli des signatures. Ensuite nous travaillons beaucoup en réseau via le Net avec d’autres associations françaises et internationales.
Est-ce que vous aviez prévu dès le début de forcer l’entrée ?
C’était bien sûr prémédité. À l’entrée, le service de sécurité a été pris de court par notre détermination et notre nombre. Ensuite à l’intérieur, on a squatté la tribune, les micros, comme ça les organisateurs nous ont entendus. On a fait un zapping à la Act-Up, avec cornes de brume, sifflets. Ç’a duré une heure, et puis on s’est fait virer. En tout cas même si on avait prévu cette action à l’avance, ce n’est pas nous qui avions prévenu les journalistes qui étaient présents en masse.