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Revue de presse
6 juillet 2012 - Le Point
À Lyon, Marseille, Limoges, Toulouse, des prostituées ont manifesté contre le projet de pénalisation des clients. Samedi, ce sera à Paris.
Le parvis de l’hôtel de ville de Lyon était occupé vendredi après-midi par une scène qui n’a pas manqué d’interpeller les passants : On pouvait y voir une jeune femme flic vêtue d’un micro-short, tenant en respect un homme enchaîné et menotté à l’air coupable. À leur côté, une affiche : "Mon crime : avoir eu une relation sexuelle tarifée entre deux adultes consentants. Ma peine, deux mois de prison et 3 750 euros d’amende". Avec eux, quelques dizaines de femmes, d’hommes, de travestis, pour la plupart cachés derrière des masques et portant autour du cou des affichettes : "Même avec vos lois, on sera toujours là", "Répression des putes : ni P-V, ni fourrière. Des droits", "Fausse morale et vraie hypocrisie".
Il s’agissait, pour ces "travailleurs du sexe", terme qu’ils préfèrent à celui de "prostitués", de dénoncer le projet de loi de Najat Vallaud-Belkacem, ministre du Droit des femmes, mais également élue de Lyon, visant à abolir la prostitution en pénalisant les clients. Des rassemblements identiques sont organisés simultanément à Marseille, Limoges, Toulouse. Samedi, ce sera à Paris. Pétition
"Ce projet de loi, on va tout faire pour qu’il ne passe pas, l’État s’en mêle, et c’est le bordel..." Au micro, Karen anime la scène avec aisance et invite les passants à signer une pétition demandant à la ministre de renoncer à son projet. Elle s’étonne qu’une élue socialiste reprenne à son compte un projet lancé en son temps par l’UMP Roselyne Bachelot. "C’est la première connerie de la gauche", lance un homme qui se présente comme un sympathisant de la cause.
"Le gouvernement veut aider les filles, mais elles ne veulent pas quitter le trottoir", explique Karen. "Nous ne sommes pas des victimes, nous ne sommes pas des pauvres filles ; dans nos camions, c’est nous qui fixons les règles, c’est nous qui décidons, pas le client." Karen avance pour preuve son expérience personnelle. Âgée de 45 ans, cette petite femme blonde a démarré sa carrière comme secrétaire avant de se reconvertir dans la prostitution à l’âge de 25 ans. Elle travaille aujourd’hui dans une camionnette dans le quartier de Gerland et est établie comme auto-entrepreneur : "J’ai choisi ce métier pour être libre et je n’ai pas envie de retourner travailler comme secrétaire pour un patron qui va me harceler, me crier dessus et essayer de me sauter." Tarifs abordables
Elle demande aujourd’hui à Najat Vallaud-Belkacem de réfléchir davantage à la question de la prostitution et espère la voir évoluer sur le sujet au cours des entretiens qu’elle doit avoir dans le courant du mois avec les représentantes de la profession. "Interdire la prostitution ne fera pas disparaître la prostitution, assure encore Karen. On continuera à travailler, mais de façon clandestine, en prenant plus de risque. On a, dans l’histoire, brûlé les prostituées, mais elles sont toujours là."
Elle fait partie des 500 prostitué(e)s lyonnais(e)s qui travaillent à Lyon, dans des camionnettes et sont très régulièrement verbalisées par la municipalité. "Mais il faut aussi compter toutes celles qui travaillent en appartement, dans les hôtels et sur Internet." La manière de travailler de Karen est en régression. "Nous, on prend entre 20 et 50 euros la passe. C’est pas les 2 500 euros pratiqués dans certains hôtels, lance-t-elle en riant en référence à l’affaire DSK. Le gouvernement veut faire disparaître la prostitution de rue, mais il faut penser aux gars qui ne gagnent pas beaucoup et qui ont envie de se faire plaisir."
Voir en ligne : http://www.lepoint.fr/societe/prost...