La prostitution n’est pas illégale et pourtant… une répression massive s’abat sur les personnes prostituées lyonnaises
La prostitution n’est pas illégale, elle relève d’une activité privée et seul le racolage est pénalisé. Bonne nouvelle, la proposition de loi visant à abroger le racolage public vient d’être adoptée le 28 mars au Sénat. Cela semble le signe d’une préoccupation des pouvoirs publics en faveur des personnes prostituées, pourtant une répression massive s’abat sur celles-ci à Lyon.
Au niveau national on se réjouit de l’avancée vers l’abrogation du délit de racolage (1). Les travailleurs et travailleuses du sexe vont elles sortir d’un statut frappé d’illégitimité ? Vont elles pouvoir accéder à leurs principales revendications qui sont pouvoir travailler en paix, qu’elles puissent ainsi vivre et travailler dans de bonnes conditions et prendre le temps pour leur santé, leur famille et leur vie en général ; Pouvoir accéder au droit commun (sécurité sociale, retraite, prise en charge de leurs plaintes suite à des agressions) sans subir de discriminations ?
A Lyon une grande majorité des femmes exercent la prostitution dans les rues des quartiers de Gerland et de Perrache. Le quartier de Gerland est constitué pour une grande part d’une zone d’activité, et les travailleuses du sexe sont installées dans des camionnettes aménagées. Depuis plus de 10 ans elles sont régulièrement déplacées de quartier en quartier par la ville qui use pour cela de multiples arrêtés municipaux interdisant le stationnement de leurs camionnettes. Un arrêté municipal a été déposé ensuite sur ce périmètre, alors où aller ? Les femmes, jusqu’à aujourd’hui, résistent aux mises en fourrières et aux PVs, payant alors des sommes monumentales pour pouvoir continuer à exercer leur travail (2).
C’est dans cette zone, absolument déserte la nuit, qu’elles se sont retrouvées très isolées lors d’opérations policières massives et répétées depuis le 19 mars dernier.
Cela a commencé le mardi 19 mars autour de minuit. De nombreux policiers ont encerclé la zone, bouclé les rues et effectué un contrôle systématique de toutes les personnes présentes, hommes, femmes, salariés de l’association en tournée à ce moment là. L’ensemble des camionnettes a été embarqué à la fourrière. Tout cela se déroule sous le bruit assourdissant d’un hélicoptère survolant le quartier. Pour récupérer leurs camionnettes le lendemain les femmes doivent subir un fichage avec prises de photos et même de films, prises d’empreintes, et la plupart du temps prises de leur ADN.
Les opérations policières se sont succédées au rythme de deux nuits par semaine. A chaque opération les femmes perdent leur nuit de travail, doivent payer la fourrière et les PV et se demandent comment elles vont nourrir leur famille, payer leur loyer, leur essence, leurs assurances etc. S’éloignent d’elles aussi les possibilités d’économiser pour réaliser leurs projets personnels ou de changements professionnels. La journée, les mises en fourrière s’intensifient également.
Par ailleurs depuis un mois dans le quartier de Perrache, quartier dans lequel les personnes travaillent à pied, elles sont sanctionnées sous le prétexte d’infractions pour racolage.
Dans une France en pleine crise sociale et économique, les prostituées lyonnaises opposent une résistance au quotidien à la répression. Elles luttent pour garder leur activité qui, rappelons le, n’est pas illégale. Elles souhaitent le respect de leur existence en tant que citoyennes légitimes et dignes.
(1) Depuis longtemps déjà l’association Cabiria, association de santé communautaire avec les personnes prostituées à Lyon, dénonce les effets néfastes de cette loi et soutient son abrogation. Comme avancé par le Sénat suite à un travail d’expertise auquel les associations de terrain comme Cabiria ont participé, la criminalisation de la prostitution entraine « la stigmatisation et la précarisation des travailleuses et travailleurs du sexe, notamment dans l’accès aux soins, et la vulnérabilité face aux violences, cette disposition ayant été utilisée en grande partie pour arrêter des ressortissant(e)s étranger(e)s en situation irrégulière en vue de les reconduire à la frontière » (site du sénat). Par ailleurs elle n’a en rien été efficace contre lesfaits de proxénétisme.
(2) http://www.rue89lyon.fr/2013/03/25/karen-prostituee-ville-lyon-proxenete-383-000-euros/
Le Collectif des prostituéEs de Gerland et l’association Cabiria vous invitent à :
une conférence de presse
mardi 23 avril à 17h
Dans les locaux de Cabiria (5 quai Lassagne, Lyon 1ier),
Pour le grand public, la presse écrite et les radios (pas de caméras).